Long Lake Chronicles

Chronique du lac Long

Par Richard Chartrand, 2021-01-12


3e parite, La Singer, les « chalets du Lac Long et les clubs des Américains

À peine sorti de la « grippe Espagnole » de 1918-20, les choses vont commencer à s’activer au lac Long. Pendant longtemps, la seule activité qui perturbait la tranquillité du lac avait été la drave. Les billots arrivaient au lac Long par le « creek Simon » (rivière Ernest) et la Petite-Nation. Ils étaient retenus à leur arrivée au lac par des estacades pour ne pas qu’ils se perdent sur le lac. On peut encore en voir les vestiges à la sortie de la rivière Ernest. Ils étaient ensuite remorqués par bateau jusqu’à l’entrée de la rivière. L’ancre d’un de ces bateaux de drave a d’ailleurs été retrouvée près de l’entrée de la rivière Petite-Nation. Mais cela allait changer avec l’arrivée de la Compagnie Singer.

La Singer à Duhamel
La Singer à Duhamel.Source T.N.V.R

En 1923, cette compagnie est à la recherche de bois dur pour ses machines à coudre, principalement du merisier. Elle achète une concession de 500 miles carrés pour la somme de 500,000$. De Thurso jusqu’au sud de Mont-Laurier, ce sera son territoire. Mais le bois dur flotte mal. Ça tombe bien, le bois mou avait été grandement exploité par la Edwards & Co.  Elle entreprend donc de construire un chemin de fer (exploité par la Thurso Nation Valley Railway ) reliant l’usine de Thurso au lac Fascinant. Ce sera fait par étapes. Un premier tronçon se rendra jusqu’au lac Iroquois en 1930. La dépression ralentira les activités pour quelques années. Puis, la majeure partie du bois intéressant ayant été récolté jusqu’au lac Chevreuil, on retirera les rails de cette section et on prolongera, à partir de 1938, les rails pour finalement atteindre Duhamel en 1940. La Singer construira des maisons pour ses employés et fera de Duhamel son quartier général.

La 2e guerre mondiale commença à faire sentir ses effets autant sur la demande de bois spécialisé (hélices d’avion) que de matériel tels que verrous, vis, écrous en fer. En 1942, le chemin de fer sera prolongé jusqu’au mille 43, soit le « Creek à John » (entre le 3560 et 3986 ch. Du lac Gagnon ouest). On continuera le chemin de fer en 1943, du mille 43 jusqu’au mille 47. Une branche du chemin de fer se rendra aux abords du lac Long jusqu’à la plage de la Grande-Baie. On y construira le camp 15, soit un ensemble de camps de bûcherons connus sous le nom de «  camps des Allemands ». À l’automne 1943, sur ordre du gouvernement, de 40 à 50 prisonniers allemands y furent transférés. La majorité étaient réellement des prisonniers, à l’exception de sept ou huit qui avaient été capturés et qui provenaient des forces armées. Comme la main-d’œuvre se faisait rare, ces prisonniers travaillèrent à la construction du ch. de fer et dans la forêt comme bûcherons allemands. Bien nourris, et sous la surveillance de bienveillants gardiens employés par la Singer, à l’exception du gardien Landriault, ex-gardien de la prison de Bordeaux, peu d’entre eux furent tentés de fuir. À la fin de la guerre, certains décidèrent de rester au Canada.

Les camps du 15 furent progressivement abandonnés par la suite. Vers 1958, les toits s’étant effondrés, mon grand-père eut l’autorisation de la Singer de prendre les billots des murs pour construire son chalet. Comme la route n’existait pas encore, ils furent flottés et remorqués jusqu’à leur lieu de destination. Je faisais partie du voyage! Malheureusement, une dizaine d’années plus tard, le chalet disparut en fumée!

En 1947, la ligne du chemin de fer sera allongée jusqu’au sud du lac Ernest et par la suite se rendra au lac Fascinant où un important camp forestier fut érigé, le camp 27. Une immense cour de triage s’étendait sur près d’un kilomètre. Les billots, empilés jusqu’à 6 mètres de haut, s’étendaient à perte de vue. Impressionnant!

Pour références dans le texte, Photo aérienne du lac Long vers 1963

Les « chalets du Lac Long

Vers 1938, un autre événement allait donner un élan touristique au lac Long. Jo Aubry acheta de Mme Cléroux plusieurs lots en bordure du lac (44 à 48 rang VI). Il revendit sa part à ses trois frères François, Ernest et Gérard. Au fil des années, François demeurera seul propriétaire jusqu’à sa mort en 1998. À l’aide d’un architecte paysager, il aménageât le terrain de façon à pouvoir construire une vingtaine de chalets d’été, un bâtiment servant « d’office », un court de tennis pouvant accueillir des championnats provinciaux, des aires de jeux multiples, une piste de danse, un dépanneur et même un four à pain pour pouvoir servir la clientèle! On ne peut imaginer, sans avoir vu les photos de l’époque, à quel point était l’aménagement. Une arche d’entrée majestueuse bornée de haies d’épinettes taillées et qui se prolongeaient pour chaque chemin d’accès aux chalets, des épinettes taillées en forme de cônes, un plongeon, un « boat house », des canots d’écorce à louer, une quantité impressionnante de chaloupes verchères numérotées, etc. Bref un ensemble digne d’un grand centre de plein air et connu sous le nom de « chalets du lac Long »! Bien sûr, il faut se rappeler qu’à l’époque, le territoire longeant la route, de Duhamel jusqu’aux Aubry, était déjà défriché et cultivé. Pour ceux qui sont observateurs, vous n’avez qu’à remarquer la grosseur des arbres.

Évidemment, leur clientèle venait de l’extérieur, surtout pour la pêche et la chasse. Beaucoup d’Américains. C’était l’âge d’or de ces activités! On y venait même en avion. Plusieurs personnes de Duhamel servirent alors de guide, dont Aurèle Nault, personnage coloré, et Hyacinthe Canard Blanc, ami autochtone de François et habile fabricant de canot d’écorce.

Chaque année, s’y déroulait une importante course de canots qui rassemblait tous les gens du village et des alentours. C’était à qui remporterait le championnat provincial! On y accueillait aussi des écoles et des groupes de scouts. Bref, c’était « la place »!

Deux autres endroits accueillaient aussi des touristes. D’abord chez Arthur Lamontagne, au sud de la Marina des Poliquin (voir photo aérienne). Ensuite, au bout du chemin, chez Lionel Éthier (voir photo aérienne), propriétaire à l’époque d’une petite épicerie à Duhamel, aujourd’hui dépanneur Serjo. Certains se rappelleront que Marcel Filion livrait le lait, la crème, la glace jusqu’au bout du chemin à cette époque! Service hors pair! Il n’y avait `qu’un seul chalet du côté est, propriété d’un aviateur du nom de Smith. Ce chalet existe encore et est, à ma connaissance, inchangé.Précision : il n’y a pas de « baie jaune », terme apparu sur certaines cartes. Il n’y a que la « côte jaune », nommée ainsi à cause de la côte de sable jaune-roux située sur la 1ère plage côté est au sud du lac.

Les clubs des Américains

Vers 1930, plusieurs clubs privés contrôlaient déjà d’immenses territoires, en vertu d’une loi de 1895 du gouvernement du Québec. Ils s’étaient vu concéder le droit exclusif de chasse et de pêche, souvent au détriment des habitants du territoire. Leurs membres provenaient majoritairement de Montréal mais beaucoup aussi des États-Unis. Le lac Gagnon n’a pas été épargné. Le territoire à l’ouest du lac et la partie nord du lac Gagnon était contrôlé par le Club Bourbonnais. Le côté nord-est appartenait au club Chapleau qui contrôlait 22 lacs. Le territoire situé au sud était sous la gouverne du Club des Douze, incluant le lac Preston. Jusque vers 1960, un bateau ne pouvait aller au nord du lac sans se faire intercepter par le gardien du Club Bourbonnais, qui habitait le grand chalet du club. La ligne de démarcation se situait un peu au nord (100m) du quai public. On peut encore y voir sous l’eau les roches qui constituaient la base d’un quai. Interdiction de circuler dans cette partie du lac si vous aviez des agrès de pêche dans votre embarcation!

Les lacs environnants subissaient le même sort, que ce soit au lac Ernest, du Sourd ou Preston, pour ne nommer que ceux-là. Sur chacun de ces grand lacs se dressait un grand chalet pouvant accueillir de 10 à 20 personnes. Un chalet séparé était attitré au gardien du club. Près du chalet principal se dressait une « glacière » ou cabane à glace, qu’on avait soigneusement garni de gros blocs de glace durant l’hiver et qu’on recouvrait de brins de scie. La glace se conservait tout l’été. C’était le rôle du gardien de voir à ce qu’il ne manque rien. Plusieurs villageois ont travaillé pour ces clubs. Comme gardien, comme guide, et aussi comme cuisinier. Avant l’arrivée du rail, le lac Du Sourd et Ernest n’étaient accessibles que par un chemin de charrette à cheval. Toute une expédition!

Mais vers 1960, le club Bourbonnais, sentant venir l’ouverture du lac à la villégiature, lâcha prise et quitta le lac, abandonnant son immense chalet. Le lac redevenait accessible à tous. Aussi, en 1960-61, les arpenteurs engagés par Québec cadastrèrent tout le lac. Partant de chez Aubry en « freighter », les équipes d’arpenteurs et des employés d’été, dont je fis partie, se rendaient à un point de départ prédéterminé. Le travail consistait à dégager la ligne de visée de l’arpenteur à la hache ou à la scie et d’en mesurer la distance avec une « chaine ». Ce fut mon premier emploi.

Et voilà, la boucle est bouclée! Les villégiateurs arrivent! La suite de la chronique vous appartient. Si vous avez des anecdotes, faits cocasses, souvenirs, photos ou autres à raconter, faites-les parvenir à info@aplg.ca . On en fera peut-être une 4e chronique si le nombre est suffisant. À vous et à nous de continuer à protéger le lac. Comme moi et ceux qui ont connu le lac avant 1960, on conserve la nostalgie de cette époque. Que ferons-nous de ce magnifique lac Gagnon ou Long. La suite nous appartient encore. Pour un certain temps!

By Richard Chartrand, 2021-01-12


Part 3, the Singer Company, Long Lake Cottages and the Americans’ Clubs

Shortly after the Spanish Flu of 1918-20, things started to get busy at Long Lake. For a long time, log driving was the only activity that disturbed the lake’s tranquility. The logs arrived at the lake by Simon’s Creek (Ernest River) and the Petite-Nation river. Once there, they were held back by booms to prevent them from drifting onto the lake. The remains of these booms can still be seen today at the mouth of the Ernest River. They were then towed south by boat to the entrance of the Petite Nation river. In fact, the anchor of one of these boats was found near the entrance of the river. That was to change, however, with the arrival of the Singer Company.

La Singer à Duhamel
The Singer Company in Duhamel. Source TNVR

In 1923, the Singer Company needed hardwood, primarily yellow birch, for its sewing machines. It purchased 500 square miles of timber rights for $500,000, a territory ranging from Thurso to south of Mont-Laurier. Hardwood does not float so the company had to find another way to transport its wood. Since the W.C. Edwards Company had logged the limits of softwood in the region, the Singer Company built a railway, operated by Thurso Nation and Valley Railway (TNVR), linking the Thurso plant to Fascinant lake. Construction would take place in stages, with the first section, which went as far as Iroquois lake, being finished in 1930. The Great Depression slowed activities for a few years. Since most of the lumber of interest had been harvested as far as Chevreuil lake, in 1938, the rail line was extended towards Duhamel and completed in 1940. Singer would build houses for its employees and make Duhamel its headquarters.

World War II would see an increased demand for special lumber to manufacture items such as plane propellers. In 1942, the railroad was extended to mile 43, John’s Creek (between 3560 and 3986 ch. du lac Gagnon West). In 1943, the railroad was further extended to mile 47. A spur was constructed to the shores of Long Lake, at the Grande Baie beach. This is where Camp 15, a collection of cabins knows as the camps des Allemands was constructed. In the fall of 1943, the government ordered that about 40-50 German prisoners be transferred there. Most were detainees, but about seven or eight of them were captured military prisoners of war. Given the labour shortage, the prisoners worked on building the railroad and as loggers. Well-fed, and under the watchful eye of benevolent guards employed by Singer, with the exception of Warden Landriault, a former Bordeaux prison guard, few were tempted to escape. At the end of the war, some decided to stay in Canada.

The Camp 15 buildings were gradually abandoned. Around 1958, the roofs having collapsed, my grandfather received permission from Singer to take logs from the walls to build his cottage. Since there was no road yet, the logs were floated and towed to their destination. I was part of the trip! Unfortunately, about ten years later, the cottage was destroyed by fire!

In 1947, the railway line was extended to the south of Ernest lake and then to Fascinant lake, where a major logging camp, Camp 27, was set up. A huge sorting yard stretched for nearly a kilometer. The logs, piled up to 6 metres high, stretched as far as the eye could see. It was an impressive sight!

For references within the text, Arial view of Long Lake, circa 1963

Long Lake Cottages

Around 1938, another event was to give tourism a boost at Long Lake. Jo Aubry bought several lots along the lake (lots 44 to 48 in Rang VI) from a Mrs. Cléroux. He sold his share to his three brothers François, Ernest and Gérard. Over the years, François remained the sole owner until his death in 1998. With the help of a landscape architect, he developed the land so that he could build about twenty summer cottages, an office, a tennis court that could host provincial championships, multiple playgrounds, a dance floor, a convenience store and even a bread oven to serve the customers! Unless you’ve seen pictures from that time, you cannot imagine what the layout was like. A majestic entrance arch bordered by trimmed spruce hedges that extended to each access road to the cottages, cone-shaped trimmed spruce trees, a diving board, boat house, bark canoes for rent, an impressive quantity of numbered rowboats, etc. In short, a complex, known as the “Long Lake Cottages”, worthy of a large outdoor centre! Of course, it should be remembered that at the time, the territory along the road from Duhamel to the Aubry’s was already cleared and cultivated, as you can tell by the size of the trees in these pictures.

Their clientele, mostly outsiders and many of them Americans, came especially for fishing and hunting. It was the golden age of these activities! Some even came by plane. Several people from Duhamel served as guides, including Aurèle Nault, a colourful character, and Hyacinthe Canard Blanc.

Every year there was a major canoe race, which drew crowds of people from the village and surrounding area. The provincial championship was at stake! Schools and scout groups were also hosted. In short, it was “the” place to be!

Two other locations also catered to tourists. First Arthur Lamontagne, south of the Poliquin Marina (see aerial photo). Then, at the end of the road, Lionel Éthier (see aerial photo), owner of a small grocery store in Duhamel that is now the Serjo convenience store. Some of you may remember Marcel Filion delivering milk, cream and ice cream to the end of the road at that time! Outstanding service! There was only one cottage on the east side, owned by an aviator by the name of Smith. This cottage still exists and is, to my knowledge, unchanged. I’d like to add a clarification: there is no “yellow bay”, as shown on some maps. There was only “côte jaune”, so named because of the reddish-yellow sand hill located on the 1st beach on the east side at the south end of the lake.

The Americans’ Clubs

Around 1930, several private clubs already controlled huge territories in the region, under an 1895 Quebec government law. They had been granted the exclusive right to hunt and fish, often to the detriment of the territory’s inhabitants. Their members were mostly from Montréal, but many also came from the United States. Lac Gagnon was not spared. The territory west and north of the lake was controlled by the Club Bourbonnais. The northeast side belonged to the Chapleau club, which controlled 22 lakes. The territory to the south was under the control of the Club des Douze, including Preston Lake. Until about 1960, boats could not travel to the north of the lake without being intercepted by the Club Bourbonnais custodian, who lived in the club’s large cottage. The cut-off line was located a little north (100m) of the public wharf. You can still see the rocks that formed the base of a dock. It was forbidden to travel to that part of the lake if you had fishing gear in your boat!

The surrounding lakes were in the same situation, be it Ernest, du Sourd or Preston lakes, to name a few. There was a large cottage on each of these lakes that could accommodate 10 to 20 people. A separate cottage was assigned to the club’s custodian. Next to the main clubhouse was an ice house, which was filled with large blocks of ice during the winter and covered with sawdust so the ice could be stored all summer long. It was the custodian’s job to make sure nothing was missing. Many villagers worked for these clubs, as custodians, guides and cooks. Before the arrival of the railroad, du Sourd and Ernest lakes were only accessible by a horse cart path. Quite an expedition!

Around 1960, the Bourbonnais club, sensing that the lake was opening up to vacationers, left the lake, abandoning its huge cottage. The lake was once again accessible to all. Also, in 1960-61, surveyors hired by Québec City surveyed the entire lake. Leaving from the Aubry’s by freighter, the teams of surveyors and summer employees, including myself, went to a predetermined starting point. The work consisted of clearing the surveyor’s line of sight with an axe or saw and measuring the distance with a “chain”. This was my first job.

This marks the end of the lake’s early history; this is when cottage owners started to arrive. The rest of the chronicle belongs to you. If you have any anecdotes, funny facts, memories, photos or anything else to tell, send them to info@aplg.ca. We may write a fourth article if we have enough of them. It’s now up to us to continue protecting the lake. Those of us, like me, who knew the lake before the 1960s, are a bit sentimental about that time. What we do with Lac Gagnon or Long lake is up to us.

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